Le baromètre de maturité numérique des citoyens est un outil unique pour évaluer l’évolution de la facture numérique. De manière générale, si l’évolution globale en 2021 est positive, on constate un risque de développement d’une fracture numérique de 3ème niveau.
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- Passionnément numérique ou pas du tout ?
- Numérique et environnement
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De nombreux indicateurs contribuent à démontrer une réduction importante de la fracture numérique :
- Le taux de ménages dépourvus de tout terminal numérique s’est réduit de 8% en 2019 à 4%.
- Les ménages n’ayant pas de connexion Internet ne sont plus que 6% alors qu’il était encore 10% il y a deux ans.
- 6% seulement des citoyens ne se sont jamais connectés à Internet, contre 12% il y a deux ans.
- Le sentiment de compétence numérique moyen passe de 56 à 59.
- La part de la population ayant un niveau de maturité numérique considéré comme « faible » passe de 20,6% à 17,9%.
Ces chiffres sont encourageants, mais méritent toutefois une analyse plus poussée, notamment quant à l’effet « positif » de la crise du Covid.
Trois degrés de fracture
Dès le début des années 2000, certains se sont alarmés de voir qu’une partie de la population ne pouvait se permettre d’acquérir un ordinateur ou de se payer un abonnement à Internet. Le terme de fracture numérique a alors été introduit et se concentrait sur l’incapacité matérielle à accéder aux contenus numériques. Très vite toutefois, il est apparu aussi que cette définition était trop restrictive et les concepts de fracture de second degré, et même de troisième degré, ont été introduits pour rendre compte des multiples facettes des inégalités induites par la diffusion des technologies numériques.
Le récent « Baromètre de l’inclusion numérique » publié en 2020 par la Fondation Roi Baudouin (FRB)1 fait une analyse fouillée de ces trois degrés de la fracture numérique qui dénotent des inégalités sur plusieurs plans :
- Les inégalités d’accès aux technologies numériques font essentiellement référence aux disparités dans la possibilité de se connecter et donc de disposer de l’équipement et de la connexion ad hoc. C’est la fracture numérique de premier degré.
- Les inégalités d’usage des technologies numériques font référence à l’intensité et à la diversité des usages numériques qui sont mis en œuvre par les citoyens et par conséquent aussi aux compétences sollicitées pour réaliser ces usages. Ces inégalités sont connues sous le nom de fracture de second degré.
- Les inégalités liées aux implications sociales de ces différences d’accès et d’utilisation font référence aux capacités inégales des personnes à transformer les opportunités offertes par le numérique en bénéfices effectifs dans l’intégration aux multiples domaines de la vie sociale tels que l’éducation ou l’emploi. Comme le souligne la FRB, ces inégalités sont susceptibles de générer des phénomènes de discrimination, comme le non-recours aux droits, par exemple. Il s’agit là de ce que l’on désigne aujourd’hui par « fracture numérique du troisième degré ».
Des évolutions différenciées
La fracture d’accès (de premier degré) a manifestement régressé : seulement 4% des ménages n’ont aucun terminal numérique et 6% n’ont pas de connexion Internet au domicile. C’est près de la moitié des valeurs mesurées en 2019 et l’on ne peut que s’en réjouir. L’impact (positif …) de la crise sanitaire n’y est certainement pas étranger, mais il faut aussi se demander si cet impact sera durable et si les ménages qui ont pu bénéficier d’un ordinateur ou d’un terminal pour faire face à cette situation exceptionnelle pourront le conserver, voire le remplacer, lorsqu’il ne sera plus fonctionnel. Quoi qu’il en soit, l’accès n’est qu’un aspect de la fracture numérique.
La fracture d’usage (de second degré) semble, elle aussi, s’être réduite mais de manière plus limitée : 11% de la population ne renseigne aucun ou presqu’aucun usage du numérique, contre 18% en 2019. Cette population non ou très peu impliquée dans l’usage du numérique est pour l’essentiel une population de seniors, voire même assez âgée. Ici aussi, il faut s’interroger sur le caractère pérenne de cette évolution. En effet, 43% seulement des personnes qui ont augmenté leurs usages du numérique à cause de la crise sanitaire ont l’intention de continuer à utiliser aussi intensivement ces outils dans le futur.
Parallèlement, 11% également de la population n’atteignent pas un sentiment de compétence numérique de 10/100 ou 17% si l’on place la barre à 25/100, niveau qui reste trop faible par rapport à la moyenne globale de 59/100. Pour mémoire, les mêmes taux étaient de 15% sous 10/100 et de 21% sous 25/100 en 2019.
Globalement ces deux indicateurs se combinent dans le niveau de maturité numérique qui a évolué positivement, portant sa moyenne de 46,9 à 50,8. Toutefois, la population avec un faible niveau de maturité numérique (en dessous de la moyenne diminuée d’un écart-type) reste de 17,9%, contre 20,6% en 2019.
La progression est donc réelle mais limitée.
La fracture numérique de troisième degré
Pour ce qui est de la fracture de troisième degré, la mesure est plus complexe. Toutefois, l’évaluation des attitudes des Wallons vis-à-vis du numérique donne un indice intéressant. En l’occurrence, le profil de « l’éloigné » du numérique (32% des Wallons) nous indique qu’un tiers de la population a une attitude réservée et peu confiante dans les technologies numériques.
Ces citoyens ont presque toujours une maturité numérique inférieure à la moyenne et se disent déroutés par la terminologie. Ils sont donc généralement en danger de ne pouvoir exercer tous leurs droits dès lors que ceux-ci passent par la voie numérique.
Dans les faits, surtout après l’impact de la crise du Covid, un nombre de plus en plus grand de services de la vie quotidienne sont difficilement ou plus du tout accessibles sans canal numérique. Le numérique est devenu une « quasi obligation » pour le citoyen et que le non recours aux canaux numériques est aussi synonyme de coûts supplémentaires ou d’impossibilité de bénéficier de facilités qui justement seraient d’autant plus précieuses pour une population déjà fragile.
Bref, selon l’angle d’observation, on peut à la fois dire que la fracture numérique se réduite et pourrait tendre à se renforcer.
Cette situation n’est cependant pas spécifique à la Wallonie. Dans son Baromètre numérique 2021, l’ARCEP, en France, indique en effet que 9% de la population n’a aucun point d’accès à Internet au domicile et que 35% des Français éprouvent au moins une forme de difficulté qui les empêche d’utiliser pleinement les outils numériques et Internet.
Pour conclure, empruntons la citation suivante extraite de la présentation du Digimeter flamand où Dimitri Schuurman, Competence Manager Business & Domain Expertise chez IMEC déclare « Le Digimeter montre qu’il reste encore beaucoup de travail à faire. La transformation numérique s’effectue clairement à des vitesses diverses et semble accentuer un certain nombre de différences entre les citoyens flamands. La question n’est pas de savoir si nous devons numériser davantage, mais comment nous pouvons façonner la transformation numérique de manière inclusive : les institutions du savoir, les gouvernements et les entreprises doivent unir leurs forces pour répondre à cette question » .
Cette conclusion est évidemment valable pour la Wallonie.
André Delacharlerie
AdNDigital WalloniaEti-Education.netContacter par email
Source: https://www.digitalwallonia.be/fr/publications/citoyens2021-fracturesplurielles